À PROPOS

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Extension : fonctionnement et continuité

1/ Introduction

Une attitude plus réceptive à l'égard du patrimoine ainsi que des données économiques nouvelles nous invitent à percevoir l'extension comme une pratique architecturale à part entière. Différents exemples anciens ou contemporains nous permettent de mieux comprendre ce thème.
Le développement d'une ville à travers sa population, sa géographie et son économie implique une évolution urbaine et architecturale. Cette évolution "constructive" souligne de différentes manières un passé, une histoire en travaillant avec ses traces. Cette relation liée au passé et au patrimoine peut alors engendrer certaines transformations.

Plusieurs thèmes architecturaux cultivent cette idée de transformation dans le temps.

En partageant cette idée de conservation et de transformation, l'extension définit un bâtiment comme étant la moitié d'un futur entier. Ce futur met en évidence l'actualité d'un passé, sa constante évolution à travers le temps. L'idée que l'extension d'un bâtiment se rende indispensable dans son fonctionnement et son image, définit le projet comme une entité. Le bâti initial devient alors un support historique et une composante essentielle du projet.
C'est à travers ce support historique et architectural qu'il est nécessaire d'analyser certaines typologies. Celle-ci contribuent à une grande liberté, car elles ne figent pas le projet dans futur mais se contentent d'analyser l'existant. En effet il est intéressant de constater que l'évolution d'un projet d'extension ne dépend pas de celle-ci en tant qu'œuvre autonome, mais du bâtiment initial. c'est en s'appuyant sur ces valeurs et ces typologies existantes que le projet d'extension va s'effectuer. D'une évolution programmatique à une transformation architecturale l'extension s'identifie comme un thème majeur, répondant à de réels besoins.

L'étude du bâtiment existant et de son site va prendre en compte différents paramètres liés au fonctionnement même du bâtiment, son programme, sa situation topographique ainsi que son environnement. ces différents paramètres qui incluent un présent et un passé vont nous permettre de déterminer un avenir, une EXTENSION.

Deux typologies

La notion de continuité d'un bâtiment achevé, est liée au besoin d'étendre un programme existant. Cette donnée programmatique est le générateur, le protagoniste de toute extension et engendre divers fonctionnements distributifs entre les deux bâtiments. Dans le cadre d'une organisation et d'une distribution entre les deux bâtiments ancien et nouveau, deux typologies semblent être caractéristiques. Elles sont étroitement liées à la situation urbaine, topographique, programmatique et architecturale du bâtiment existant. Ces paramètres inscrivent l'extension dans son cadre futur en associant ancien et nouveau comme une globalité. La richesse de cette association nous amène à réfléchir sur la fusion des bâtis qui peuvent être classées suivant deux typologies :

A/ La première typologie dite "simple" associe l'extension et le bâtiment initial à travers leur bâti. Les deux bâtiments sont liés et s'articulent comme une addition résolue par le collage de deux constructions.
L'existant peut être caractérisé par différentes typologies comme une cour, un patio ou un atrium. La relation qui est entretenue à travers ces typologies existantes ou projetées, nous amène alors à réfléchir sur le non bâti plutôt que sur le bâti, sur le vide plutôt que sur le plein. Cette combinaison, ce "ménage à trois" (bâti existant/vide/extension) redéfinies relations d'un bâtiment avec son extension; Elle enrichit et diversifie la typologie de base du bâtiment existant.

B/ La deuxième typologie dite "complexe" traite le problème de la distribution entre les deux bâtis de manière à les séparer. Cette séparation permet à l'extension de se détacher du bâtiment initial et de s'affirmer. Les relations entre les deux bâtiments sont basées sur des effets de masse et de volume. Leur emplacement sur le site sera alors déterminant. L'espace créé entre les deux bâtis est traité de différentes manières selon le contexte. le lien organique entre l'extension et le bâtiment initial est traité sous différentes formes (liaison sous terraine, promenade extérieure, passerelles...etc) sans altérer les relations entre les deux entités.

Sous ces deux formes, l'extension participe à la transformation d'un bâti, à la requalification d'un espace, d'un lieu, d'un paysage; cette requalification est réalisée dans une relation organique qui se traduit par un échange entre existant et projet qui caractérise le projet d'extension. Le traitement de cet échange varie selon le contexte. D'une typologie à l'autre différentes relations architecturales, programmatiques, topographiques et organiques sont développées afin d'unifier deux bâtiments à travers un programme et un langage.

Deux problématiques

En s'appuyant sur ces deux typologies, dites simple et complexe, les problèmes de continuité et d'appartenance semblent définir le projet d'extension. Ces deux problématiques vont orienter nos recherches sur deux axes majeurs. La continuité organique ainsi que l'appartenance liée au langage entre les deux projets. La recherche organique et le langage vont donner un sens d'union à l'extension, union des programmes et des langages, du temps.

A/ La recherche organique
B/ Le langage
Ces deux problématiques sont intimement liées et participent à une globalité qui projette l'extension comme un ensemble : ancien-nouveau. C'est en mettant en parallèle ces deux problématiques, la première étant la cause et la seconde l'effet que l'extension va prendre forme.

A/ La recherche organique
"La partie est au tout comme le tout est à la partie". Aussi ce que l'on veut réellement dire par le mot "organique" est "entité intégrale". INTRINSEQUE.
(L'avenir de l'architecture. F. L. Wright, Ed : Gonthier)

Le lien organique est inhérent à toutes constructions partageant plusieurs fonctions. il tend à rassembler grâce à différents systèmes (couloirs, promenades, escaliers...) les fonctions éclatées dans une même construction, afin de créer "une entité intégrale. Intrinsèque". Le système organique d'un bâtiment s'organise autour de fonctions majeures, mais également dans le détail des pièces et de leur organisation. Son développement peut s'organiser de diverses manières : du plan libre à une idée plus classique, le lien organique fera apparaître une hiérarchie entre les espaces servants et les espaces servis.
Par exemple il organisera la liaison entre la zone jour et la zone nuit d'une maison, sous forme de circulations, de meubles, en canalisant les services, les fluides et autres locaux techniques. dans une optique plus urbaine les liens organiques pourraient être des rues, des venelles, des squares, toutes sortes de liaisons amenant à la communication.
S'il existe une hiérarchie des fonctions, elle est en générale indépendante du système organique qui la gère.
Un système hiérarchique permet de classer les différentes fonctions d'un bâtiment dans un ordre immuable et rigide. cette organisation donne un statut à chaque pièce. La liaison organique gérant cette hiérarchie fait le lien entre les pièces. Elle beaucoup plus souple et permet différentes solutions de distributions au sein du projet. La hiérarchie des fonctions trouve alors un équilibre qui lui permet de s'organiser au sein du bâtiment.
La difficulté dans le cas d'une extension c'est que le lien organique en question s'impose comme une addition par rapport à un bâti fini. Le problème consiste à formuler au travers de cette addition "organique", un tout fonctionnant comme "une entité intégrale". Ces liaisons organiques définissent une synergie des programmes; c'est à dire un fonctionnement du bâtiment existant indissociable de son extension.

B/ Le langage
"Le langage de l'architecture repose sur la dialectique entre le souvenir des formes culturelles anciennes et les expériences du présent."
(Recueil d'essais critique-Architecture moderne et changement historique-
Alan Colquhoun-Paris 1978).

A travers cette notion de langage architectural, c'est un conflit permanent qui se traduit entre un bâtiment et son extension. Conflit de langage, d'identité. toute construction possède une identité et c'est sur elle que va reposer l'extension future. L'image de l'extension, son langage repose sur une gradation faisant référence au bâti qu'elle agrandit. Cette gradation est liée à deux type de langages : le langage dit "prosaïque" et le langage dit "circonstancié" (Carlo Mollino, "Mollino, écrits au pied du mur", FACES N°19 Printemps 1991, PP 38, Bruno Reichlin.)

"Les volumes "fonctionnels" sont "muets". Ce n'est ni leur structure intrinsèque ni leur disposition spatiale qui leur donne une dimension symbolique, culturelle ou esthétique."
"La décoration et l'enveloppe stylistique peuvent ne pas être directement déductible du programme d'architecture, mais elles ne sont pas non plus indépendante."
(Recueil d'essais critique-Architecture moderne et changement historique-
Alan Colquhoun-Paris 1978).

Le but premier d'une extension est d'agrandir un bâtiment existant à travers son programme. cette logique programmatique fait apparaître une nouvelle image qui va requalifier l'ancien bâti. A l'instar de cet agrandissement organique et fonctionnel, le langage de l'extension (liée à son calage, son volume, sa façade, ses matériaux...) va, pour une bonne compréhension du projet, exprimer son appartenance à l'ancien bâti; Du pastiche à l'opposition l'extension témoigne d'une adaptation et d'une compréhension linguistique que l'idée de façade comme support d'un langage doit être traitée à part entière. L'image de l'extension est au service du projet tout entier afin de retrouver l'entité intégrale de l'œuvre. La lecture de l'extension est alors, par son appartenance et son temps liée à un passé et à un présent.

2/ La recherche organique

L'extension dite "simple"

1/ Par le plein

L'étude du bâtiment initial va donner un sens à l'extension; dans cette première typologie dite "simple" l'extension est développée comme étant collée au bâtiment initial. Cette typologie pose déjà clairement ses problèmes organiques et de langage. Langage des formes, des matériaux, des mises en œuvre.
L'extension est par définition une addition définissant un tout. Cette notion d'addition est développée dans ce cas précis comme une réflexion sur le "plein".
Nous comprendrons dans cette idée de "plein" la rencontre de deux volumes. Ces deux constructions viennent se lier, s'additionner et travailler ensemble à travers leur masse : ce qu'elles ont de bâti.
c'est dans cette relation de bâti qui définit un plein, que l'extension va se développer.

Une zone d'espace temps :
Dans la rencontre de deux bâtis, deux époques, deux histoires, c'est un véritable choc qui est créé. Face à un système fonctionnel existant et un programme à étendre, c'est dans un souci d'adéquation que des liens organiques vont se créer entre les deux bâtiments. Pour atténuer ce choc entre deux systèmes constructifs, deux fonctions, dans un même programme, c'est une "zone organique" qui est définie pour une meilleure connexion des deux bâtis, ancien-nouveau.

Cette zone traduit l'échange entre différentes pièces dans deux bâtis distincts. Elle crée une véritable lien organique qui enrichit et favorise le fonctionnement d'un bâtiment à l'autre. C'est à travers une dialectique constructive, parfois liée aux matériaux et aux espaces mis en œuvre que cette zone prend un sens. Elle évite un conflit direct entre deux espaces bâtis, deux fonctions. Cette zone peut être traduite dans une relation d'espace-temps (on mettra un certain temps à la traverser). C'est en franchissant un seuil puis un autre qu'une profondeur est franchie. Si on prend en compte ce phénomène on peut admettre que plus la zone tampon est importante, moins les deux fonctions ancienne-nouvelle sont en relation. Il faut donc gérer cette zone en fonction des effets voulus; Depuis l'effet de volume jusqu'a la simple paroi, l'idée de connexion entre les deux bâtis varie. C'est à dire que la zone tampon selon les cas peut passer d'une pièce ayant une fonction (distribution, service...), a un simple mur. Cette dernière solution est souvent la plus complexe à réaliser, car elle annule le rapport d'espace-temps au profit d'une relation "conflictuelle" immédiate.

Trois connexions :
Dans cette typologie d'extension dite "simple" différentes solutions de connexions peuvent être développées. Nous pouvons constater à travers différents exemples que l'espace de la zone organique peut s'articuler de diverses manières jusqu'à son annulation pure et simple. Depuis la fusion jusqu'au conflit les relations entre un bâtiment et son extension peuvent varier. Nous aborderons dans cette recherche les trois catégories de connexions qui nous semblent les plus représentatives et les plus marquantes.

Connexion 1 : addition
Quand la "zone organique" est située dans l'extension.
C'est à travers l'image du bâtiment qui la contient et parfois de celle qu'elle agrandit, qu'elle s'impose comme une addition. Elle joue son rôle de protection et adoucit les relations entre deux bâtiments, deux fonctions. Néanmoins elle ne repose pas sur une mémoire préexistante. Elle crée sa propre image, son propre fonctionnement. Les liens mémoriels avec le bâtiment existant sont réduits au minimum. Des similitudes de volumes et de matières peuvent avoir un rôle de rappel mais en aucun cas ils constituent un lien historique réel.

Connexion 2 : superposition
Quand la "zone organique" est rapportée dans le bâtiment initial.
C'est en abordant les thèmes de la reconversion, de la réhabilitation et parfois de la rénovation que cette zone va prendre un sens. C'est en dialoguant avec les traces d'un passé, d'une histoire, qu'une nouvelle identité va être créée. Ce lien mémoriel qui nous lie au passé à travers des effets architectoniques, historiques et de matières va réer une véritable connexion sur les bases d'une dialectique. Avec l'apport de nouvelles fonctions dans un espace qui se voit transformé, c'est une zone d'échange entre ancien et nouveau, comme un crescendo qui se définit. L'extension n'a plus le seul rôle de dissocier deux fonctions et de faciliter leur rapport de proximité; Elle participe en plus à une fusion, à une véritable alchimie entre deux époques, deux langages, deux systèmes constructifs différents en les superposant. La zone organique ne s'affirme plus seulement comme une addition mais également comme une fusion.

Connexion 3 : adossement
Quand la "zone organique" se limite à son expression la plus simple comme une paroi. Elle est alors réduite à l'état de seuil. L'on passe du bâtiment à son extension en abordant celui'ci de la manière la plus minimale. Son épaisseur très faible créée une opposition (d'époque, de langage, de matériaux) direct entre le bâtiment et son extension. Le parcours ne permet aucune profondeur d'un bâtiment à l'autre. La profondeur de champ est minime. cette relation met en scène une interaction entre les deux bâtiments.

"La troisième dimension...ce n'est pas l'épaisseur, mais la profondeur. Ce terme est employé en architecture organique pour désigner le sens de la profondeur qui naît de la chose construite, sans lui être surajouté. La troisième dimension, la profondeur, est liée intrinsèquement à l'édifice"?
(L'avenir de l'architecture. F. L. Wright, Ed : Gonthier).

Néanmoins certaines nuances peuvent être apportées à cet exemple.
Ne pouvant compter sur une zone organique lui étant propre, le seuil peut se situer sur un parcours qui définit un déplacement à travers différents espaces : une relation d'espace/temps. Selon l'emplacement de la paroi définissant les seuils une épaisseur nouvelle est mise en valeur. Afin de fonctionner en synergie avec le bâti qu'elle agrandie, elle doit être associée à une autre épaisseur existante afin de former une profondeur. L'association de deux épaisseurs engendre une profondeur qui lie les deux bâtis.

En traversant une première épaisseur puis une seconde nous sommes amené à franchir deux seuil. Le premier nous faisant pénétrer dans la zone puis le deuxième par lequel on en sort.
En multipliant les seuils et les épaisseurs à travers une paroi (par un parcours) le rapport d'espace/temps et de profondeur existe.

2/ Par le vide

"Espace...le devenir continuel : la fontaine invisible d'ou s'écoulent tous les rythmes, où ils doivent tous s'achever. Au delà du temps ou de l'infini."
(L'avenir de l'architecture. F. L. Wrignt, Ed : Gonthier).

Le vide dans un rapport d'espace/temps, l'idée de parcours est induite. L'on traverse un espace dans un temps donné. Ce rapport "physique" est généré par le déplacement du corps à travers une pièce.

Dans une typologie complexe la notion d'espace/temps est subordonnée au vide. Dans un souci de continuité le vide fait office de référence. Il est la base du nouveau fonctionnement au sein du projet. Par opposition au plein il témoigne d'une lisibilité de l'espace. C'est en faisant abstraction de toute dominante physique (corps humain) que le vide existe; comme un évidement, une soustraction, il est au delà du temps et de toutes notions physiques car on ne peut le traverser (comme un trou); l'absence de parcours dans ce vide implique une relation de proximité. Si l'espace représente l'infini, le vide le contrôle et lui donne un sens, une lecture.

Un vide de référence(s)
Une cour, un atrium, un cloître, autant de lieux attractifs qui définissent une référence; Au delà des qualités architecturales et spatiales qu'un vide engendre, c'est une lecture d'intégration et de continuité qui est mise en évidence. Le langage architectural d'une œuvre, son intégration volumétrique...ne servent qu'à amplifier ou à amoindrir les effets attractifs du vide. La référence que représente le vide en opposition au plein qui l'entour témoigne de son importance intrinsèque dans le projet. Depuis le bâtiment comme enveloppe jusqu'aux espaces qu'il abrite, deux systèmes de références sont induits.

Une référence "commune" à tout le bâtiment (ancien et nouveau) qui comprend l'idée d'un tout à travers des masses, des volumes, mais aussi des surfaces : les façades. L'espace de référence communique avec le bâti qu'il s'octroie en mettant en évidence les façades du bâtiment.

Les relations intérieur/extérieur d'un bâti vont introduire une référence "individuelle" des espaces intérieurs. La référence qu'est le vide peut contribuer au fonctionnement interne d'un immeuble (tout comme une rue). C'est un rapport direct entre l'intérieur et l'extérieur qui va générer des fonctionnements internes.

Le vide d'une cour ou tout autre typologie créant un évidement, unifie se qui l'entour parce qu’il est dessiné, limité et qualifié par ce qui l'entour. C'est un échange perpétuel qui est entretenu de bâti à bâti ou de vide au vide. Face à cette soustraction toute addition est inévitablement assujettie à son attraction.

Le vide comme composant du projet

Cette attraction nous amène à introduire le vide comme composant du projet. A travers le vide, le bâti initial et son extension, se voient intrinsèquement liés. Ce sont trois éléments qui forment un tout :

le bâti - le vide - l'extension

L'extension doit alors s'affirmer comme le troisième élément fondateur du projet pour ne faire qu'un.

C'est une réflexion sur l'absence qui va définir les relations entre les deux bâtiments. Une réflexion menée sur le non bâti plutôt que sur le bâti. L'utilisation ou la création d'un vide sous forme de cour, patio...implique une relation à distance (en plus d'une relation interne) entre l'extension et le bâti initial. Comme une relation d'immobilisme ou le temps est suspendu pour lieux assuré la lisibilité d'un tout.

Le vide qualifié par le plain qu'il génère et inversement, s'affirme comme un lieu d'échange, de référence. Les relations entre le bâti initial-le vide-et l'extension vont se diversifier et enrichir la typologie de départ. Que le vide soit existant ou projeté le résultat est le même dans les rapports spatiaux et architecturaux.

En qualifiant le vide c'est une mise en valeur du bâti qui est redéfinie. Si la fusion des deux bâtiments s'opère par le vide, la notion de plein n'est pas exclue. Les deux bâtiments forment une entité réelle et demeure encore en contact. le lien organique existe toujours, il est simplement enrichi par la notion de vide qui permet des variantes diverses entre les deux bâtiments. La mixité du vide et d'une zone organique implique une grande richesse des rapports que peuvent entretenir un bâtiment et son extension.

L'extension dite "complexe"

1/ Une abstraction organique

La séparation visuelle d'un bâtiment et de son extension souligne l'existence de liens organique d'une autre nature. Cette deuxième nature participe à une abstraction du lien organique en travaillant avec le paysage et la topographie. cette abstraction visuelle ne change rien à l'idée première du lien organique, qui est de rassembler des fonctions dispersées, elle redéfinit son état ostentatoire. passant du visible à l'invisible, du plein au vide, du bâti au non bâti, le lien organique participe à un nouveau langage, à de nouvelles relations basées sur l'absence, la distance et le rapport à l'espace et au temps. Le lien organique reste inchangé, mais participe activement à un bouleversement typologique de l'extension et de ce qui l'entour. Un nouveau dialogue est ouvert entre un bâtiment, son extension et son contexte.

2/ L'équilibre des masses

"Bien avant la construction des temples, des autels de plein air furent érigés "dans une position idéale d'où on pouvait saisir le paysage sacré -signifiant- tout entier."
(Christian Norberg-Schulz, La signification dans l'architecture occidentale, pp47)

Enterré, caché, détourné, le lien organique peut être conçu comme un corps provoquant une distanciation entre un bâtiment et son extension. Celle-ci peut être lue comme un lien assurant la lecture homogène de deux bâtis mis à distance. L'équilibre entre un bâti et son extension est géré par l'espace qui les sépare. Celui-ci engendre un état de repos qui unifie et donne la lecture d'un tout; cet espace est perçu comme un espace de référence ayant ses facultés d'intégration et de continuité. Le positionnement, le calage et les matériaux d'une extension définissent cette lecture comme essentielle à la bonne compréhension d'une entité.
S'articulant avec la logique d'un lieu, d'un système urbain ou d'une topographie, l'équilibre des masses composant un projet, définit une lecture associant bâti et paysage.

3/ Construction d'un paysage

Le caractère exceptionnel de chaque bâtiment, par leur autonomie volumétrique, induit une lecture d'ensemble bâtis/paysage. Cette lecture s'associe à une vision unitaire composant un tout. Le cadrage d'un paysage défini par l'espace entre un bâtiment et son extension introduit le paysage comme un élément à part entière du projet. le bâtiment initial et son extension sont alors associés à la terre et au ciel afin d'être lus comme une entité intégrale; L'espace créé entre les deux bâtis prend le rôle d'une zone tampon et vient unifier les deux constructions par le paysage qu'elle dessine.

3/ Le langage

"Tous les langage posent, comme première condition à leur fonctionnement, la présence d'un élément commun de référence connu tant de l'auteur que du spectateur."
(Carlo Mollino, "Mollino, écrits au pied du mur", FACES N° 19 Printemps 1991, PP 38, Bruno Reichlin)

Une référence "absolue"

Référence : "Fonction par laquelle un signe linguistique renvoi à un objet du monde réel." (Petit Larousse illustré, 1990, PP 827.)

En matière d'extension architecturale "l'objet du monde réel" est clairement définit : c'est le bâtiment initial. De l'emphase à l'opposition la matière première de la réflexion sera le bâtiment initial. Parler de référence "absolue" ne correspond en aucun cas à un mimétisme ou à une lecture identique. L'idée tenterait plutôt de répondre à un langage des signes, des formes, des calages et des matériaux donnés par une réflexion axée sur la compréhension immédiate du bâti initial. Cette compréhension, cette lecture immédiate, prosaïque, correspond au moyen des connaissances, à priori innées, propre à chaque individu.

Cette lecture prosaïque à laquelle nous faisons allusion permet d'identifier une extension comme étant l'agrandissement d'un bâti existant tout en rappelant la programme qu'elle inclut. Cette double problématique d'une compréhension propre à l'extension ainsi qu'au projet initial correspond à une lecture axée sur un langage : sa volumétrie, son rythme, sa structure, les ouvertures...
Une seconde lecture circonstanciée permet la compréhension du projet comme une éventuelle "récréation esthétique" de l'œuvre. Loin d'être superflue cette lecture dite "circonstanciée" peut devenir essentielle à la bonne compréhension d'un projet; Elle agrémente, appuie et parfois contredit l'idée de base du projet d'extension. la mise en œuvre des matériaux ou de simples détails "décoratifs" ou formels participent à cette deuxième lecture et à l'image du bâtiment tout entier.
ces deux degrés de langage architecturaux entre un bâtiment et son extension peuvent être associés à une lecture contextuelle plus vaste et plus complexe. Le paysage, rural ou urbain, peut participer à une meilleure compréhension du projet. Cette lecture contextuelle prend toute sa dimension dans les projets "complexes". En effet la dissociation physique de deux bâtiments amplifie dans un premier temps le langage et l'image propre de l'extension, puis dans un deuxième temps le contexte liée au site et au projet.

Ces gradations linguistiques entre un bâtiment et son extension sont sujets à une infinie variété de propositions et de solution. la technologie et la créativité liées à l'histoire semblent formuler une avancée considérable sur son temps; "Son image architecturale traduit une pérennité certaine, celle même qui ne se démode pas et donne l'impression d'être à sa juste place."
(J. L. Grobéty. "La périphérie comme matière du projet", FACES 39, PP 86, Automne 1996)

Une appartenance

"Ce n'est qu'au 16eme siècle, en France, que l'on a élevé les façades comme on dresserait une décoration devant un édifice, sans se soucier du plus ou moins de rapport de ce plan avec les dispositions intérieures."
(Viollet-Le-Duc, cité dans Exposer l'architecture - le musée d'architecture en question, PP 72, Fabienne Couvert, Diagonale, Rome 1997).

Le but premier d'une extension est d'agrandir un bâtiment existant à travers son programme. Cette logique programmatique fait apparaître une nouvelle image qui va requalifier l'ancien bâti. A l'instar de cet agrandissement organique et fonctionnel, le langage de l'extension (lié à son calage, son volume, sa façade, ses matériaux...) va, pour une bonne compréhension du projet exprimer son appartenance à l'ancien bâti.
En supposant qu'un bâtiment "X" fait appel à deux références : lui même et dans le cas extrême le contexte général qui l'entoure (un paysage, une rue, une ville), la valeur du signe exerce une appartenance de contenant sur le contenu, ou bien du contenant sur un contexte général.

Dans le cas d'une extension l'idée d'appartenance fait appelle à une référence précise : le bâtiment à agrandir. Cette relation de contenant à contenant, implique une recherche axée sur le langage. Langage immédiat (prosaïque), circonstancié et contextuel dans certain cas.
Ce type d'appartenance est liée a une extension dont le programme est le même que le bâtiment initial; les différents problèmes de langage sont alors liés au temps et à la technologie qui suscite une nouvelle image. Les éléments peuvent rester les mêmes en marquant le pas grâce à des évolutions sociologiques et technologiques.

Une double problématique voit le jour lorsque le programme de l'extension est différent - mais complémentaire - du bâtiment initial. C'est alors un double langage que l'extension doit assumer. Un langage lié au bâtiment qu'elle agrandit comme précédemment et un second qui est induit par sa propre fonction (si l'on veut reconnaître un gymnase d'une école). cette double problématique axée sur l'appartenance et l'identité projette l'extension comme un élément de langage et non comme un élément de fonctionnement interne au projet. la distanciation et le calage gèrent cette double problématique pour une meilleure lecture de l'identité et de l'appartenance de l'extension.

Face à ces deux problématiques d'appartenance et d'identité la référence reste le langage, la compréhension. C’est pour une bonne compréhension linguistique que l'idée de façade comme support de langage doit être traitée à part entière. La façade de l'extension peut alors se libérer de son plan afin de développer un langage servant un tout, une entité. L'image de l'extension est au service du projet tout entier afin de retrouver l'entité intégrale de l'œuvre. Cette entité intégrale repose sur une lecture essentiellement prosaïque de l'œuvre initiale. En retrouvant l'essentiel d'un langage passé, ses critères fondamentaux, l'idée d'un pastiche comme extension est écarté au profit d'un langage contemporain. la lecture de l'extension est alors, par son appartenance, liée à un passé et à un présent.

Langage, image et calage

L'idée d'appartenance d'une extension au bâti qu'elle agrandit répond essentiellement à son langage. Si l'image d'un bâtiment est subjective, son langage reste axé sur des critères de base remontant à l'antiquité. La source même du langage témoigne d'une compréhension immédiate et non subjective. Une fenêtre reste une fenêtre quelque soit l'image qu'on lui donne. Carrée ou ronde, épurée ou ornementée, cela ne change en rien son langage initial (certains bouleversement typologiques comme la fenêtre en bandeau, ont leur propre langage).
Ce rapport langage/image rejoint intimement l(idée d'une lecture immédiate et circonstanciée. Le langage architectural pourrait dans une certaine mesure être liée à une lecture immédiate (une fenêtre, une colonne, une symétrie...). En outre l'image donnée à ce langage peut faire référence à une lecture détaillée et circonstanciée.

L'image et le langage font références à un tout lorsque les fonctions sont les mêmes dans le bâtiment initial et dans l'extension. celle-ci assume alors très bien l'idée d'appartenance à un bâti antérieur. Le rapport des langages est axé sur des signes et des éléments issues d'une même fonction. La liaison physique des deux bâtis fait référence au programme de même nature dans l'extension et dans le bâtiment initial. leur fonctionnement interne induit le contact des deux édifices, le langage symbolique de l'extension fait alors référence au bâti initial. L'équilibre des volumes, le rythme des ouvertures, le gabarit existant...etc, sont des critères de compréhension liés au langage immédiat d'un bâtiment à agrandir.

L’addition de deux fonctions différentes et complémentaires au sein d'un projet d'extension induit une double problématique; l'extension doit affirmer son appartenance au bâti initial et assumer ou ignorer son propre langage issue de se fonction. Les signes et les éléments sont alors différents et désignent clairement des fonctions diverses. Ces fonctions complémentaires - salle de classe/gymnase, musée/bureaux, répondent à une autonomie, tant dans leur fonctionnement que dans leur langage.
L'extension en centre chorégraphique du couvent des Ursulines à Montpellier répond à cette double problématique pas l'abstraction. L'extension privilégie l'usage sur l'image, la façade est alors un prétexte pour s'isoler et s'insérer en créant l'absence. Son aspect uniforme, reprenant le rythme des ouvertures existantes derrière des persiennes en bois, s'harmonise avec la reprise du gabarit existant.

Afin d'exploiter pleinement l'image de l'extension et de son programme, une séparation des bâtis peut être provoquée. L'appartenance au bâtiment initial est alors gérée par le calage des deux bâtis et le vide qu'il génère (le lien organique pouvant être invisible en appuyant ou non l'idée d'appartenance). Le paysage, la topographie et les différents traitements de sol sont autant d'occasions et de prétextes pour affirmer la continuité entre les deux constructions; la rupture physique entre un bâtiment et son extension engendre un langage axé principalement sur leur implantation, leur calage, leurs masses et leur contexte, plus que sur leur image.

Une gradation

"Une œuvre peut être décisive sans qu'aucune des ses caractéristiques formelles ne permette à priori de l'identifier comme telle. ce paradoxe est renforcé par l'intérêt porté par une fraction de la culture savante à la banalité. dans la tradition d'Adolf Loos et d'Auguste Perret, la banalité est presque toujours l'indice d'un respect des valeurs collectives."
(Joseph Abram, "Un caractère intemporel", FACES N° 41, PP 20, 1997)

Cette notion de "valeurs collectives" que soulève ici J. Abram rejoint intimement l'idée de la lecture immédiate développée par Carlo Mollino. cette lecture "prosaïque", propre à chaque individu, induit les valeurs collectives. D'une lecture immédiate à une lecture circonstanciée, la compréhension d'un langage passe inévitablement par une gradation; nous comprendrons par ce terme, une progression qui se rattache de diverses manières à une référence existante, réelle. Cette gradation du langage architectural peut être largement utilisée dans le ca d'une extension. En effet comme nous l'avons souligné ci-avant l'appartenance (organique et linguistique) d'une extension au bâtiment initial met celui-ci dans une position de référence. Les gradations de cette référence comme point de départ sont infinies et propres à chaque architecte. La sensibilité, la culture et le savoir vont induire dans cette gradation certains critères liés au langage immédiat (volume, équilibre...) évoquant la bonne compréhension du projet d'extension.

Cette gradation linguistique possède ses limites de compréhension. Comme le souligne Carlo Mollino c'est un élément commun entre l'auteur et le spectateur qui fait naître une communication, un langage, une compréhension. Dès lors que cet élément n'est plus commun la compréhension est brisée.
Cet élément de compréhension, cette gradation a en sa faveur le "temps". La gradation linguistique évolue (très lentement) avec le temps, la société. Ce qui n'est pas compris aujourd'hui le sera demain grâce à une évolution collective de la société.